Les plages de Dar Es Salam
- Tom Vermolen

- il y a 21 heures
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Par Mghase Imanuel
La ville de Dar Es Salam est le plus grand centre urbain de Tanzanie avec une population supérieure à 3 millions. La ville se trouve sur la côte de l’Océan Indien dans une région située à l’Est de l’Afrique. Elle possède plus de 30 kms de côtes composées de plages naturelles parsemées de mangroves et de baies. Pêche et loisirs comptent parmi les activités quotidiennes caractéristiques de l’environnement côtier de la ville. Cependant , depuis de nombreuses années la qualité des eaux côtières et des plages se détériore, en particulier à cause de l’incessant déversement de déchets solides et liquides. Au résultat , on trouve des polluants dans les eaux côtières, des odeurs nauséabondes fortes d’algues pourries, des plages souillées , une érosion rapide et une dégradation des habitats biologiques.
Les plages de DarEsSalam comptent parmi les joyaux d’Afrique de l’Est : sables dorés, palmiers se balançant dans le vent, rouleaux turquoises de l'Océan Indien. Depuis des générations, ce sont des lieux de repos, de jeu, de vie. Les plages accueillent les pêcheurs réparant leurs filets sur le rivage, les vendeurs proposant nourriture et artisanat, jusqu’aux familles se réunissant en fin de semaine pour un bol d’air marin. Néanmoins aujourd’hui, une balade le long de Coco Beach, Msagani ou d’une partie de Kigamboni raconte une histoire plus cruelle. Ce qui devrait être un lieu de beauté est abîmé par des bouteilles plastiques, des sacs déchiquetés, du matériel de pêche abandonné et des rebuts ménagers. Ce ne sont pas juste des déchets mais une lente crise qui menace l’image de la ville, notre économie, et par-dessus tout, la vie marine. Des statistiques récentes indiquent qu’environ 2 milliards de tonnes de déchets solides sont produites globalement et on s’attend à une hausse de ce chiffre à 3-4 milliards en 2050. La Tanzanie, siège de centres urbains à croissance des plus rapides en Afrique de l’Est, produit 12 à 17 millions de tonnes de déchets solides chaque année, et seulement 50% est collecté et envoyé en déchetterie.
Les déchets solides, particulièrement le plastique, sont devenus une des plus grandes menaces des écosystèmes marins dans le monde et Dar Es Salam ne fait pas exception. Environ 4 à 12 millions de tonnes de plastique après utilisation entrent dans l’océan chaque année avec des débris qui sont la source primaire de micro plastiques dans l’environnement marin. Les sources majeures sont le développement industriel et celui des infrastructures côtières, l’expansion des marchés internationaux et la croissance de la population. Les fragments micro plastiques sont le type le plus abondant et consistent en polyéthylène et polypropylène comme polymères dominants. Ces fragments minuscules invisibles au baigneur non avisé sont avalés par les poissons et autres animaux marins. Ils entrent dans la chaîne alimentaire voyageant de la mer à nos assiettes en apportant des produits chimiques toxiques avec eux. Des débris plus importants font des dommages plus visibles : tortues et mouettes emprisonnés dans des filets abandonnés, coraux et algues étouffés sous des tas d’ordures, habitats de poissons dégradés au-delà de toute possibilité de régénération.

Pour résoudre cela, Dar es Salam a besoin d’un meilleur ramassage des déchets, de lois plus strictes sur les dépôts d’ordures et de campagnes d’information publique. Des nettoyages communautaires et une réduction de l’utilisation des plastiques peuvent aussi aider à protéger la vie marine et restaurer la beauté des plages. Des plages propres signifient des océans plus sains et de meilleures conditions de vie pour tout le monde.
Pour être très clair : ce n’est pas seulement la nature, c’est aussi les conditions de vie, le tourisme, secteur à énorme potentiel pour la croissance économique de la Tanzanie qui dépendent de côtes propres attirantes. Chaque littoral jonché de plastique détourne les visiteurs qui pourraient sinon apporter un revenu aux petites entreprises, hôtels et restaurants locaux. Les déchets continuent à obstruer nos plages, nous perdons de l’argent, des emplois, des opportunités. Des solutions peuvent être facilement apportées parce que cette crise n’est pas causée par un manque de connaissances mais par l’inaction. Nous savons que les systèmes de collecte des ordures de Dar Es Salam sont insuffisants, spécialement dans les quartiers populaires à croissance rapide. Nous savons que beaucoup d’ordures urbaines finissent dans les rivières ou les caniveaux et sont emportées vers l’océan à chaque pluie. Et nous savons que la production plastique se poursuit sans réserve avec des articles à usage unique inondant les marchés’ plus vite qu’ils ne peuvent être collectés et recyclés.
Donc que doit-on faire ? D’abord, nous devons demander des comptes à nos dirigeants. Les municipalités de la ville de Dar Es Salam (Ilala, Kinondoni, et Temeke) doivent étendre les services de ramassage des ordures, renforcer la gestion des décharges et investir dans de véritables installations de recyclage. C’est inacceptable pour une ville de cette taille et de cette importance économique de laisser la moitié de ses déchets sans solution. Les politiques environnementales sont bonnes sur le papier, il faut les renforcer dans la réalité. Maintenir la capacité de l’environnement marin et costal à fournir de la nourriture, des conditions de vie et des services d’aide à la vie nécessite des politiques appropriées, des connaissances judicieuses et des actions de gestion utilisant les outils adéquats et des concepts comme le Plan des Espaces Marins et l'Économie Bleue, qui sont des outils/concepts récents adaptés pour le pays. Ces politiques et règles de gestion doivent être mises en avant pour pouvoir composer avec les pressions multiples et complexes qui minent la durabilité des écosystèmes marins et le climat, liés au changement climatique et à la pollution.
Deuxièmement, nous devons pousser à la responsabilité des entreprises, les industriels et les détaillants tirant profit du plastique à usage unique ne peuvent continuer à produire comme d’habitude alors que les plages sont noyées sous leurs produits. Une Responsabilité Étendue du Producteur doit être introduite, par laquelle les compagnies prennent la responsabilité financière et logistique des déchets que leurs produits engendrent, Responsabilité qui doit être étendue et renforcée. Si les grandes marques mondiales sont capables de nettoyer leurs flux de déchets ailleurs, elles peuvent aussi le faire ici — à moins que nous le fassions nous-mêmes.
Troisièmement, comme citoyens, nous ne pouvons pas attendre le gouvernement et les sociétés seuls, chacun de nous a un rôle à jouer et nous devons réduire notre dépendance aux plastiques à usage unique en disant non aux sacs non nécessaires, aux pailles, aux bouteilles. Nous devons nous débarrasser de nos déchets proprement et interpeller ceux qui les déposent de manière irresponsable. Nous devons soutenir les actions de nettoyage par communautés parce que chaque parcelle de plastique que nous enlevons de la plage est un risque de moins pour la vie marine.
Il y a déjà des exemples inspirants à Dar Es Salam. Des groupes menés par des jeunes comme Limitless Mind organisent des nettoyages de plages réguliers. Des novateurs montent des entreprises autour du recyclage du plastique en produits utiles. Des pièges de rivière attrapent les débris flottants avant qu’ils n’atteignent la mer. Ces efforts montrent ce qui est possible quand les gens font attention et agissent. Mais ils ne peuvent réussir seuls. Ils ont besoin de coordination avec la ville, de politiques fortes et d’un soutien public large. Le combat pour nos plages est, dans son essence, un combat pour notre avenir. Il s’agit de savoir si nous transmettrons à nos enfants une côte digne d’être célébrée ou si nous en aurons honte. Il s’agit de protéger les réserves de poissons qui nourrissent les familles et soutiennent les conditions de vie. Il s’agit de préserver la beauté naturelle qui fait de Dar Es Salam non seulement une ville à la mer mais une ville de la mer. Nous devons cesser de traiter l’océan comme une décharge. Nous devons le traiter comme le système vivant qu’il est et qui donne la vie. Chaque marée apporte de nouvelles vagues de déchets donc chaque retard permettra à plus de plastique de se décomposer en fragments invisibles et toxiques dont nous ne nous relèverons peut-être jamais.

Faisons de ceci notre cri de ralliement. Dar Es Salam mérite mieux, nos plages méritent mieux. L’océan qui nous nourrit mérite mieux. Ensemble, avec une dirigeance audacieuse, une responsabilité économique et une action citoyenne, nous pouvons renverser la tendance. Nous pouvons retrouver la beauté de nos plages. Nous pouvons nous assurer que la vie, et non les déchets, prospérera dans nos mers.
Environmental and Social Sciences Research Foundation-ESSRF imanuelmghase@gmail.com









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